samedi 26 janvier 2008

Partie 2

"Lieutenant Drumont ? Lieutenant ?"

Je tourne la tête sur ma gauche, d'où viens la voix. Je suis assis, la clope pendouillant au coin du mec, sur le canapé du salon. Je peine à réaliser ce que je viens de trouver. Les collègues de la criminelle tournent autour de moi, la police scientifique, aussi, relève des empreintes, ils ressemblent à des cosmonautes futuristes avec leur tenues stériles, inutiles depuis que la scène a été pollué par les agents arrivés les premiers sur les lieux. Je me rends compte au bout de la troisième clope grattée à un agent de quartier qui dit s'appeler Gerald que je n'avais pas fumé depuis six mois. Me voila revenu dans l'univers des toxicomanes. J'écrase machinalement la clope dans une boite de pizza à moitié vide.

"Lieutenant Drumont ? Lieutenant ?"

Je l'avais oublié, elle, une brunette à lunette maigrichonne dans son tailleur pantalon trop grand. Elle m'interpelle depuis probablement un petit bout de temps.

"Oui", je lui réponds. Sa voix est un peu nasillarde, et m'exaspère rien qu'à entendre prononcer mon propre nom. Techniquement, ça doit être ma supérieure hiérarchique, alors, je tente une vague soumission.

"Oui, commandant ?"dis-je, un poil plus mielleux. On sait jamais. Si jamais je suis muté à la criminelle, peut-être bien que cette fille sera ma chef ...

"Lieutenant, va falloir maintenant que je prenne votre déposition à chaud. Vous voulez bien me suivre à la crim', ou vous préférez faire ça ici ?"

Un vague sourire se dessine sur mon visage, et je m'imagine en train de la prendre sur le canapé, au milieu des collègues, puis je me ressaisis.

"On peut aller à votre bureau, ça ira, je préfère quitter les lieux. C'est pas mon premier macchab', mais c'est mon premier co-locataire mort. J'avoue que ça secoue un peu." Je saisi soudain que cette phrase va me valoir un énième séjour chez le dingologue. Quel con. Je me lève à sa suite, sort de l'appartement derrière elle, un regard vers la partie charnue de son anatomie. Je me dégoute un peu de mater cette gonzesse alors que je viens de retrouver deux morts dans mon propre appartement. Je laisse un peu vagabonder de nouveau mes pensées : après demain, tout devrait être nettoyé, mais je suis bon pour passer au moins deux ou trois jours à l'hôtel. Comme si j'avais financièrement besoin de ça ... Les galères n'arrivent jamais seules, et je peux commencer à économiser pour payer une nouvelle caution, je crois pas que le proprio me rendra celle de cet appartement-ci, vu ce qui vient de s'y passer.

"Drumont, vous voyez un inconvénient à ce que l'on prenne votre voiture ?"

"Euh, non, mais vous allez vouloir conduire, vu mon "état de choc" ?" S'il y a bien quelque chose que je sais faire, c'est mettre des guillemets et des majuscules à l'oral ... Derrière ses grosses lunettes, ses yeux expriment une profonde lassitude.

"Non, c'est bon."

La porte de l'ascenseur s'ouvre, et je monte derrière elle. Je tourne ma clé de parking dans la serrure électronique, et appuie sur le bouton qui indique le premier sous-sol. Je mate brièvement son derrière avant qu'elle ne se retourne. Décidément, son futal est informe. LE silence se fait un peu longuet, elle regarde le bout de ses chaussures, probablement qu'elle espère y trouver inscrit mon mode d'emploi, ou alors le sien. Elle a l'air un peu paumée, bizarre, les fliquettes, d'habitude, sont plutôt du modèle sûr de lui et air hautain, comme si elles avaient en permanence quelque chose à prouver. Je me rends soudain compte que je n'ai pas retenu son nom, juste son grade. Je lui demande.

"Commandant, je n'ai pas retenu votre nom, par contre".

Elle relève la tête vers moi. "Sarah Simoni. Commandant Sarah Simoni. »

J'essaye de continuer un peu à faire la conversation, une espèce d'inversion des rôles. Merde, c'est moi qui vient de subir un traumatisme, pas cette greluche mal-léchée. L'ascenseur s'ouvre sur le parking. Ma voiture est garée en face.

"C'est la noire là-bas", lui dis-je en désignant mon opel du doigt. Je me retourne vers elle. "Ça fait longtemps que vous êtes à la Crim' ? C'est ce que j'ai demandé à ma sortie d'école, quand j'ai quitté Fontainebleau, mais les places sont plutôt chères."

Elle me répond d'une voix presque atone, en fouillant dans son sac à main. "trois ans et demi." Je pointe le bippeur vers la voiture pour l'ouvrir. Laconique, la minette. Elle ne doit pas être plus vieille que moi, mais a surement eu de meilleurs résultats en école, moi, je n'ai brillé dans aucune matière, moyen partout, en tout. Quand je me tourne pour ouvrir la porte, un objet dans sa main droite reflète la lueur des néons. Je soupire. Elle fait feu quand je plonge derrière la caisse pourrie du voisin, une citroën qui a du connaitre les deux dernières guerres. Le silencieux transforme les bruits de tir en un soufflement un peu violent, comme le bruit que ça fait lorsque l'on souffle dans le goulot d'une bouteille. J'en compte cinq. Ce qui lui laisse au mieux sept balles pour me trouer, au pire, elle a plusieurs chargeurs. Dans tout les cas, je suis un homme mort. Je tente de regarder sur ma gauche, alors que je suis accroupi derrière la voiture, et je vois ses escarpins à talons plats qui se rapproche. Elle ne cherche visiblement pas à être discrète et marche d'un pas assuré... Le fantôme qu'elle semblait être s'est transformé en terminator. « Sortez de là !J'ai autre chose à faire que de jouer à cache-cache, et de toute façon, je vais vous buter » ! Sa voix a changé, aussi. Sûre d'elle, un ton plu bas, aussi, je pense. Je commence à faire le tour de la voiture, j'espère pouvoir m'enfuir à couvert derrière les bagnoles de cette rangée. Les néons clignotent un peu, comme pour me filer un coup de main quand je passe d'une voiture à l'autre. Je suis derrière une 307 break, qui me procure un bon couvert. Je l'entre-aperçois un peu plus loin, elle se dirige droit vers moi. Je veux changer de planque, mais quand je regarde derrière moi, il n'y a plus qu'un mur en béton légèrement effrité ... Ça doit être le moment qu'aurais choisi un type croyant pour annoner une prière. Soudain, une nouvelle lumière change l'ambiance du parking. C'est le gyrophare orange qui accompagne l'ouverture du volet roulant. Tiens, serais-je sauvé ? La chance aurait-elle tourné ? Je me dis qu'il ne faudrait peut-être pas que je crie victoire trop vite quand je la vois soudain devant moi. Elle est plutôt jolie, en fait, sans ses lunettes, qu'elle a du retirer en me coursant. Le visage un peu fin, des yeux légèrement en amande, probablement clairs, le nez droit. Ses lèvres sont charnues Bref, un beau brin de fille en fait. Je serais bien resté à la garder, mais c'est l'extrémité du silencieux qui emplit mon champ de vision qui fini par attirer toute mon attention. « C'est fini, Drumont, elle me dit, dommage, mauvais endroit, mauvais moment. » Une grande partie de l'histoire de ma courte vie.

1 commentaire:

Anonyme a dit…
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