dimanche 27 janvier 2008

Les trois premières parties corrigées par Garcitude

Le flic. J'en suis l'archétype ultime, et je m'y complais. Un psy aurait probablement dit que j'ai sûrement un truc à prouver, pour me complaire à ce point dans le personnage, jusqu'à aller visionner des films noirs des années cinquante pour me donner les accents, les mimiques, les gimmicks à utiliser. Mais moi, j'en ai rien à foutre des avis d'un toubib qui ne sait rien de la réalité du terrain, un autre de ces fonctionnaires bureaucrates dont la seule ambition est de faire chier le monde le plus possible, avec le maigre pouvoir dont ils disposent. J'y fais souvent des passages, devant le psy. C'est la règle, maintenant. Tu sors ton calibre parce que tu sens qu'un truc va mal tourner, tu commets l'erreur de ne pas l'écrire dans ton rapport, tu te retrouves avec un entretien individuel chez un digne pandore de l'inspection générale des services, et si tu l'écris, tu as le droit à une visite chez le dingologue, soi-disant parce que tu canalises mal ton stress. Mais voilà, dans la rue, parfois, il n'y a souvent qu'un seul moyen de dénouer une situation, et ce moyen, c'est de faire briller ton chrome devant le nez du délinquant qui a décidé qu'il va, au choix, te faire la peau, ou la faire à quelqu'un. Je pense à tout ça en montant dans ma bagnole achetée à crédit avec la maigre solde que me verse l'état, mon indemnité de fonctionnaire ministériel. Quatre ans d'études post-bac pour en arriver là, à gagner 1500 euros par mois pour courir le risque de me faire trouer la peau par n'importe quel trouduc en mal de sensation forte qui a décidé de se farcir un flic pour rentabiliser sa pilule d'ecsta. La bagnole démarre au quart de tour. Faut reconnaitre tout de même que l'on a de bons mécanos dans la police, les gars du garage me l'ont réglée au poil, elle est bichonnée une fois par mois. Je réajuste ma cravate en jetant un œil dans le rétro avant de passer la première, et soupire un grand coup en lâchant l'embrayage.


Le GPS m'informe que je n'ai pas choisi de destination. Il le sait mieux que moi, cet appareil doit lire le vide entre les deux oreilles qui me sert de pensée. J'ai décidé de prendre une grande bouffée de calme en roulant sans but, avant de rentrer dans le trois-pièce minable que je partage avec le glandu qui gagne trois fois mon salaire à pianoter sur un ordinateur, son gros cul posé sur une chaise de bureau grand standing. Un glandu, ouais. Je roule encore, et encore, frôlant la limite autorisée dans les petites artères du 13ème, seul moyen légal, hors circuit, que j'avais trouvé de prendre un peu de plaisir en conduisant. Je suis un peu calmé, une chanteuse pop anglaise à la voix aussi pâle que ces chansons, qui sont sans intérêt, crachouille sa haine des hommes à la radio. Je tourne à gauche rue de Tolbiac, je ne passe pas loin de l'avant d'un autobus, je lui fais une queue de poisson, je sors ma main par la fenêtre pour adresser au conducteur du bus un doigt d'honneur vindicatif. Je dépasse un peu la limite pour doubler par la voie pour bus un papy qui se traine dans une bmw dernier cri. La musique change, et c'est un vieux rockeur français qui devrait être mort, mais dont le sang a été remplacé par un mélange whisky-cocaïne qui se met à brailler dans mes enceintes. J'arrive en vue de mon immeuble, et je décide soudain de voir si le virage pour accéder au parking peut se négocier à plus de 50 kilomètres par heure. J'accélère un peu, je me rends compte de mon erreur, et je mets un grand coup de frein à main pour immobiliser la voiture, en imprimant à mon volant un grand quart de tour. Mon pare-choc s'arrête à quelques millimètres du volet roulant. Volet dont l'existence m'était totalement sorti de la tête quelques instants plus tôt. Je note d'appeler la prochaine fois Romain pour qu'il me l'ouvre quand il verra ma bagnole tourner au coin de la rue. Je gare la voiture à l'emplacement 68, qui nous est reservé à Romain et moi, mais ce gros parasite n'a pas de bagnole, parce que, je cite "Dans Paris ça sert à que dalle." La voiture bippe, et clignote des phares quand j'actionne le bip juste avant de rentrer dans l'ascenseur. Il est tagué de partout, et la vitre qui a diligemment été remplacée la semaine dernière est de nouveau brisée, laissant à nu le dos de l'appareil. Ça ne rassure pas, quand on se rend compte que les murs de l'ascenseur sont moins épais qu'un papier à cigarette spécial cannabis. On parle de temps en temps de l'instinct de flic. Ce que j'en dis, c'est que je ressens ça plutôt comme une odeur. Une sale odeur de déjection, un truc immonde, que je sens dans mes narines. Normal, l'instinct de flic, après tout c'est flairer la merde. Et là, précisemment maintenant, ça pue. Ça pue grave. A tel point que je cherche par reflexe mon pétard dans son holster vide, pétard laissé au commissariat, normal. Je jette un œil autour de moi. Trois portes sur le palier. La mienne, celle de gauche est défoncée. Merde, je crachote entre mes dents. La porte baille, la serrure est un cauchemar pour serrurier. J'ai quand même une pensée pour Romain, espérant que cette larve ai faite sa sortie annuelle lors de la visite. Le quartier est pourtant tranquille habituellement, depuis qu'un préfet un peu zélé a fait descendre le RAID dans la rue adjacente. Le RAID, pour une dizaine de racaille un peu énervées ... Ouais, encore un fonctionnaire ... Je m'approche de la porte, je guette le moindre bruit qui pourrait m'indiquer qu'il y a des visiteurs indésirables dans l'appartement. Visiblement, il n'y a pas âme qui vive dans le coin. Je pousse la porte doucement. A première vue, je ne constate rien de particulier. Certes Beyrouth au milieu d'une des innombrables guerres israëlo-libanaise ressemble à une piaule d'étudiante anglaise à côté de notre salon, mais rien ne semble avoir bougé. Je lance un regard dans la cuisine, m'arrête sur le tas de vaisselle un instant, les moisissures qui vivent là ont sûrement inventé la roue, c'est qu'elles ont eu du temps pour se développer depuis la dernière fois que quelqu'un a fait couler de l'eau du robinet de l'évier. Ma chambre, rien à signaler, la salle de bain, non plus. La piaule de Romain, par contre, un carnage. Du désordre habituel on passe à l'expression artistique d'un cubiste muni d'un lance-grenade qui se serait mis en tête de faire la décoration d'intérieur. Les objets, ordinateur en tête, gisent partout, éparpillés en divers morceaux improbables. Et sur le lit, m'attend une sacrée surprise. Là où je pensais trouver un Romain ligoté ou inconscient, je trouve une fille, qui fut blonde, et qui fut mignonne. Mais avec un trou dans la tête genre gros calibre à bout portant, elle est tout de suite moins éligible pour le concours de Miss France. Le sang coule encore de la blessure, fraîche, donc. Et merde. Je retourne vers la salle de bain, bien déterminé à rendre le repas de ce midi, qui commence à vouloir remonter par grands à-coup spasmodiques. Et dans la tête au-dessus de la cuvette, je remarque un détail que je n'avais pas vu quelques minutes plus tôt. Notre rideau de douche n'a jamais eu de motifs rouges. Je l'ouvre du bout de doigts, et vois le corps sans vie de Romain, les membres bizarrement arrangés. Visiblement, à moins que l'on ne se soit acharné sur son cadavre, ses dernières heures n'ont pas du être une partie de plaisir. Monde de merde.



"Lieutenant Drumont ? Lieutenant ?"


Je tourne la tête sur ma gauche, d'où vient la voix. Je suis assis, la clope pendouillant au coin du bec, sur le canapé du salon. Je peine à réaliser ce que je viens de trouver. Les collègues de la criminelle tournent autour de moi, la police scientifique, aussi, relève des empreintes ; ils ressemblent à des cosmonautes futuristes avec leur tenues stériles, inutiles depuis que la scène a été polluée par les agents arrivés les premiers sur les lieux. Je me rends compte au bout de la troisième clope grattée à un agent de quartier qui dit s'appeler Gerald que je n'avais pas fumé depuis six mois. Me voilà revenu dans l'univers des toxicomanes. J'écrase machinalement la clope dans une boîte de pizza à moitié vide.


"Lieutenant Drumont ? Lieutenant ?"


Je l'avais oubliée, elle, une brunette à lunettes, maigrichonne dans son tailleur pantalon trop grand. Elle m'interpelle depuis probablement un petit bout de temps.


"Oui", je lui réponds. Sa voix est un peu nasillarde, et m'exaspère rien qu'à entendre prononcer mon propre nom. Techniquement, ça doit être ma supérieure hiérarchique, alors, je tente une vague soumission.


"Oui, commandant ?"dis-je, un poil plus mielleux. On sait jamais. Si jamais je suis muté à la criminelle, peut-être bien que cette fille sera ma chef ...


"Lieutenant, va falloir maintenant que je prenne votre déposition à chaud. Vous voulez bien me suivre à la crim', ou vous préférez faire ça ici ?"


Un vague sourire se dessine sur mon visage, et je m'imagine en train de la prendre sur le canapé, au milieu des collègues, puis je me ressaisis.


"On peut aller à votre bureau, ça ira, je préfère quitter les lieux. C'est pas mon premier macchab', mais c'est mon premier co-locataire mort. J'avoue que ça secoue un peu." Je saisis soudain que cette phrase va me valoir un énième séjour chez le dingologue. Quel con. Je me lève à sa suite, sors de l'appartement derrière elle, un regard vers la partie charnue de son anatomie. Je me dégoûte un peu de mater cette gonzesse alors que je viens de retrouver deux morts dans mon propre appartement. Je laisse un peu vagabonder de nouveau mes pensées : après demain, tout devrait être nettoyé, mais je suis bon pour passer au moins deux ou trois jours à l'hôtel. Comme si j'avais financièrement besoin de ça ... Les galères n'arrivent jamais seules, et je peux commencer à économiser pour payer une nouvelle caution : je crois pas que le proprio me rendra celle de cet appartement-ci, vu ce qui vient de s'y passer.


"Drumont, vous voyez un inconvénient à ce que l'on prenne votre voiture ?"


"Euh, non, mais vous allez vouloir conduire, vu mon "état de choc" ?" S'il y a bien quelque chose que je sais faire, c'est mettre des guillemets et des majuscules à l'oral ... Derrière ses grosses lunettes, ses yeux expriment une profonde lassitude.


"Non, c'est bon."


La porte de l'ascenseur s'ouvre, et je monte derrière elle. Je tourne ma clé de parking dans la serrure électronique, et appuie sur le bouton qui indique le premier sous-sol. Je mate brièvement son derrière avant qu'elle ne se retourne. Décidément, son futal est informe. Le silence se fait un peu longuet, elle regarde le bout de ses chaussures, probablement qu'elle espère y trouver inscrit mon mode d'emploi, ou alors le sien. Elle a l'air un peu paumée; bizarre, les fliquettes, d'habitude, sont plutôt du modèle sûr de lui et air hautain, comme si elles avaient en permanence quelque chose à prouver. Je me rends soudain compte que je n'ai pas retenu son nom, juste son grade. Je lui demande.


"Commandant, je n'ai pas retenu votre nom, par contre".


Elle relève la tête vers moi. "Sarah Simoni. Commandant Sarah Simoni. »


J'essaye de continuer un peu à faire la conversation, une espèce d'inversion des rôles. Merde, c'est moi qui viens de subir un traumatisme, pas cette greluche mal-léchée. L'ascenseur s'ouvre sur le parking. Ma voiture est garée en face.


"C'est la noire là-bas", lui dis-je en désignant mon opel du doigt. Je me retourne vers elle. "Ça fait longtemps que vous êtes à la Crim' ? C'est ce que j'ai demandé à ma sortie d'école, quand j'ai quitté Fontainebleau, mais les places sont plutôt chères."


Elle me répond d'une voix presque atone, en fouillant dans son sac à main. "trois ans et demi." Je pointe le bippeur vers la voiture pour l'ouvrir. Laconique, la minette. Elle ne doit pas être plus vieille que moi, mais a sûrement eu de meilleurs résultats en école, moi, je n'ai brillé dans aucune matière, moyen partout, en tout. Quand je me tourne pour ouvrir la porte, un objet dans sa main droite reflète la lueur des néons. Je soupire. Elle fait feu quand je plonge derrière la caisse pourrie du voisin, une citroën qui a dû connaitre les deux dernières guerres. Le silencieux transforme les bruits de tir en un soufflement un peu violent, comme le bruit que ça fait lorsque l'on souffle dans le goulot d'une bouteille. J'en compte cinq. Ce qui lui laisse au mieux sept balles pour me trouer, au pire, elle a plusieurs chargeurs. Dans tous les cas, je suis un homme mort. Je tente de regarder sur ma gauche, alors que je suis accroupi derrière la voiture, et je vois ses escarpins à talons plats qui se rapprochent. Elle ne cherche visiblement pas à être discrète et marche d'un pas assuré... Le fantôme qu'elle semblait être s'est transformé en terminator. « Sortez de là ! J'ai autre chose à faire que de jouer à cache-cache, et de toute façon, je vais vous buter » ! Sa voix a changé, aussi. Sûre d'elle, un ton plus bas aussi, je pense. Je commence à faire le tour de la voiture, j'espère pouvoir m'enfuir à couvert derrière les bagnoles de cette rangée. Les néons clignotent un peu, comme pour me filer un coup de main quand je passe d'une voiture à l'autre. Je suis derrière une 307 break, qui me procure un bon couvert. Je l'entre-aperçois un peu plus loin, elle se dirige droit vers moi. Je veux changer de planque, mais quand je regarde derrière moi, il n'y a plus qu'un mur en béton légèrement effrité ... Ça doit être le moment qu'aurait choisi un type croyant pour ânonner une prière. Soudain, une nouvelle lumière change l'ambiance du parking. C'est le gyrophare orange qui accompagne l'ouverture du volet roulant. Tiens, serais-je sauvé ? La chance aurait-elle tourné ? Je me dis qu'il ne faudrait peut-être pas que je crie victoire trop vite quand je la vois soudain devant moi. Elle est plutôt jolie, en fait, sans ses lunettes, qu'elle a dû retirer en me coursant. Le visage un peu fin, des yeux légèrement en amande, probablement clairs, le nez droit. Ses lèvres sont charnues Bref, un beau brin de fille en fait. Je serais bien resté à la regarder, mais c'est l'extrémité du silencieux qui emplit mon champ de vision qui finit par attirer toute mon attention. « C'est fini, Drumont, constate-t-elle, dommage, mauvais endroit, mauvais moment. » Une grande partie de l'histoire de ma courte vie.

Soudain, c'est autre chose qui monopolise mon attention. Le bruit, d'abord, un gros crissement de pneus. Puis le pinceau des phares d'une voiture, qui m'aveugle. Je profite de la diversion pour me jeter au sol. Je me maudis de ne pas être cascadeur quand mon nez heurte violemment le sol. Je relève un peu la tête, légèrement étourdi, je vois brièvement que la voiture se rapproche de moi à grande vitesse. Et je ressens un choc dans le dos, qui re-précipite mon appendice nasal en direction du sol en béton qu'il n'aurait pas dû quitter, en fait. Aïe. Je me rends compte soudain que la voiture a dû heurter Sarah. Et quand je rouvre les yeux, c'est pour découvrir qu'elle s'est effectivement stoppée à 15 centimètre de moi dans un autre crissement de ces pneumatiques. S’il y a un Dieu, il a décidé de m'épargner aujourd'hui. Et il est derrière le volant de cette bagnole. Sarah remue sur moi, scène qui me donne un léger goût de déjà-vu dans mes fantasmes récents, mais pas de cette manière. Je la repousse, et me relève. La portière de la voiture s'ouvre, et un impressionnant black en costard noir en sort. Un bel archétype, tiens, lui aussi. Les épaules carrées mises en valeur par un costard à la coupe italienne, des lunettes de soleil de marque, relevées sur un front large, rasé. Il respire le fric, l'assurance et la détermination. Son regard luit du reflet des phares de sa voiture, une grosse allemande dont je vois bien la marque, puisque son pare-choc avant a manqué de m'ôter la vie. Je crie un peu quand j'essaye de demander calmement : « C'est quoi ce bordel ? ». La minette remue encore un peu par terre, et tandis que l'homme, sans un mot ni un regard pour moi, se penche vers elle, et sort une petite sacoche noire de l'intérieur de sa veste. Il l'ouvre, et y prend une seringue et un flacon. Il pompe dans le flacon un peu de liquide, en fait gicler quelques gouttes, et plante sans ménagement l'aiguille dans la fesse de la nana groggy sur le sol. Il range son matériel. Je reste bouche bée lorqu'il ramasse la fille comme s'il s'agissait d'un simple sac de sport à peine rempli, se dirige vers l'arrière de sa voiture, et la met dans le coffre. Il balaye un peu le parking du regard, referme le coffre. Il repart dans ma direction, ramasse à deux mètres de moi le flingue de Sarah, en démonte le silencieux, et fourre l'un dans sa poche droite, l'autre dans sa poche gauche. « Montez », me dit-il alors d'une belle voix de baryton. « Montez, me répète-t-il, je vous expliquerai en route. » Comme un zombi, je monte côté passager, attache ma ceinture. Il monte quelques instants après moi, et démarre doucement la voiture. Il lui fait faire un demi-tour, sort un pda de la boîte à gants, appuie sur l'un des boutons, et le volet roulant s'ouvre. Autant pour le poste de 30 euros dans les charges locatives pour la « sécurité du parking sous-terrain ». Nous sortons de l'immeuble, et mon chauffeur n'a toujours pas desserré les dents. D'un autre côté, je ne suis pas très volubile non plus : mon cerveau tourne à cent à l'heure en essayant de remettre dans l'ordre les quelques pièces du puzzle que je possède. Qu'avait bien pu faire ce crétin de Romain pour se retrouver mort, après une séance de torture haut de gamme ? Qui est la gonzesse que j'ai trouvée dans sa piaule ? Et celle qui a essayé de me dessouder, la « Ugly-Betty », miraculeusement jolie une fois les culs de bouteille retirés de devant sa tronche ? Ouais, en fait, j'ai beau retourner ces trois questions dans tout les sens, je n'en trouve pas la réponse, à commencer par le pourquoi de Romain, dont les parents sont instituteurs en zone rurale, et qui lui, travaillait à concevoir des sites web pornographiques ... Rien qui ne donnerait envie d'en finir avec lui, et encore moins d'en finir après l'avoir torturé ... En ce qui me concerne, je me suis fait quelques ennemis, ces dernières années, mais pareil, je n'en vois aucun qui m'en voudrait suffisamment pour tuer deux personnes, puis moi ... Nous roulons quelques minutes, puis la voiture bifurque brutalement sur la droite pour rejoindre la descente vers un parking. L'homme sort son pda, et ouvre la porte. Crétin comme je suis, la tête à mes réflexions, je ne sais absolument pas où nous sommes arrivés, ni par où nous sommes passés ... Nous faisons quelques mètres de plus, et nous nous garons entre une camionnette bleue sombre et un mur. Les portes arrières de la camionnette s'ouvrent, et deux hommes en descendent. Vêtus comme mon chauffeur, costards noirs chicos, ils ont la mine aussi patibulaire que lui. Ils s'approchent de notre coffre, que mon laconique nouvel ami leur ouvre d'une pression sur un bouton à côté du volant. Ils attrapent la troisième passagère de la voiture, et l'un d’entre eux ferme le coffre. Ils retournent dans leur camionnette, dont ils referment les portes. La voiture redémarre, et se dirige de nouveau vers la porte. La voix du conducteur se fait entendre. « Bon, un problème de réglé. Maintenant, que va-t-on bien pouvoir faire de vous ? ». Je crois que c'est une question rhétorique, et je n'ose pas lui dire qu'il ferait aussi bien de me laisser à la première bouche de métro venue.

- Je devrais vous éliminer, je crois que ça m'épargnerait bien des problèmes, poursuit-il.

- Euh, je ne suis pas sûr que ce soit une excellente idée : je suis flic, il y a bien des gens qui vont s'acharner sur ce cas si je meurs. La disparition d'un flic passe rarement inaperçue.

- Mouais. Faites-moi confiance pour que personne ne se doute que vous êtes mort. On vous condamnera par contumace pour double meurtre, et Air Nicaragua jurera vous avoir eu sur ses lignes pas plus tard qu'aujourd'hui avec une jolie brunette mal fagotée. Croyez-moi, vous faire disparaître ne serait pas un problème. Mais vous pourriez sûrement nous être plus utile vivant, ajouta-t-il après un court instant de réflexion.

- Qui ça, nous ? Questionné-je, tout en ayant l’impression qu’il ne fait que monologuer.

- Oui, vous nous serez plus utile vivant. Et puis après tout on bosse pour le même ministère.

- Hein ?

- Commandant Marc Dufour, Renseignements Généraux, se présente-t-il, un demi-sourire sur le visage.

J'entends presque le frein à main se desserrer dans mon esprit. Les RG. J'étais donc sous surveillance ? Je reste sans voix, et mon interlocuteur semble faire durer son petit effet.

- Oui, poursuit-il en me montrant son badge, les RG. Je vous emmène Place Bauvau.

La voiture prend effectivement la direction du huitième arrondissement, et nous passons la Seine par le pont Alexandre III, complètement noir de trafic à cette heure-là.


- Drumont, tu me passerais le gyro dans la boîte à gants, s'il te plaît ?

J'acquiesce, et j'ouvre la boîte à gants qui ne contient rien d'autre que ce gyrophare, que je passe à Dufour. Il le connecte à l'allume-cigare, puis le pose sur le toit de la voiture en passant son bras par la vitre.Enfin, il appuie sur un bouton dans le tableau de bord, et la sirène commence à nous jouer sa complainte du policier. Le trafic se fluidifie devant nous. Et on roule vers des explications.




Partie 3

Soudain, c'est autre chose qui monopolise mon attention. Le bruit, d'abord, un gros crissement de pneus. Puis le pinceau des phares d'une voiture, qui m'aveugle. Je profite de la diversion pour me jeter au sol. Je me maudis de ne pas être cascadeur quand mon nez heurte violemment le sol. Je relève un peu la tête, légèrement étourdi, je vois brièvement que la voiture se rapproche de moi à grande vitesse. Et je ressens un choc dans le dos, qui re-précipite mon appendice nasal en direction du sol en béton qu'il n'aurait pas du quitter, en fait. Aïe. Je me rends compte soudain que la voiture a du heurter Sarah. Et quand je rouvre les yeux, c'est pour découvrir qu'elle s'est effectivement stoppé à 15 centimètre de moi dans un autre crissement de ses pneumatiques. Si il y a un Dieu, il a décidé de m'épargner aujourd'hui. Et il est derrière le volant de cette bagnole. Sarah remue sur moi, scène qui me donne un léger gout de déjà-vu dans mes fantasmes récents, mais pas de cette manière. Je la repousse, et me relève. La portière de la voiture s'ouvre, et un impressionnant black en costard noir en sort. Un bel archétype, tiens, lui aussi. Les épaules carrées mises en valeur par un costard à la coupe italienne, des lunettes de soleil de marque relevé sur un front large, rasé. Il respire le fric, l'assurance, et la détermination. Son regard luit du reflet des phares de sa voiture, une grosse allemande dont je vois bien la marque, puisque son pare-choc avant a manqué de m'ôter la vie. Je crie un peu quand j'essaye de demander calmement : « C'est quoi ce bordel ? ». La minette remue encore un peu par terre, et l'homme, sans un mot ni un regard pour moi, se penche vers elle, et sort une petite sacoche noire de l'intérieur de sa veste. Il l'ouvre, et y prends une seringue et un flacon. Il pompe dans le flacon un peu de liquide, en fait gicler quelques gouttes, et plante sans ménagement l'aiguille dans la fesse de la nana groggy sur le sol. Il range son matériel. Je reste bouche bée lorqu'il ramasse la fille comme s'il s'agissait d'un simple sac de sport à peine rempli, se dirige vers l'arrière de sa voiture, et la met dans le coffre. Il balaye un peu le parking du regard, referme le coffre. Il repart dans ma direction, ramasse à deux mètres de moi le flingue de Sarah, en démonte le silencieux, et fourre l'un dans sa poche droite, l'autre dans sa poche gauche. « Montez », me dit-il alors d'une belle voix de baryton. « Montez, me répète-t-il, je vous expliquerai en route. » Comme un zombi, je monte côté passager, attache ma ceinture. Il monte quelques instants après moi, et démarre doucement la voiture. Il lui fait faire un demi-tour, sort un pda de la boite à gant, appuie sur l'un des boutons, et le volet roulant s'ouvre. Autant pour le poste de 30 euros dans les charges locatives pour la « sécurité du parking sous-terrain ». Nous sortons de l'immeuble, et mon chauffeur n'a toujours pas dé-serré les dents. D'un autre côté, je ne suis as très volubile non plus, mon cerveau tourne à cent à l'heure en essayant de remettre dans l'ordre les quelques pièces du puzzle que je possède. Qu'avais bien pu faire ce crétin de Romain pour se retrouver mort, après une séance de torture haut de gomme ? Qui est la gonzesse que j'ai trouvée dans sa piaule ? Et celle qui a essayé de me dessouder, la « Ugly-Betty », miraculeusement jolie une fois les culs de bouteille retirés de devant sa tronche ? Ouais, en fait, j'ai beau retourner ces trois questions dans tout les sens, je n'en trouve pas la réponse, à commencer par le pourquoi de Romain, dont les parents sont instituteurs en zone rurale, et qui lui travaillait à concevoir des sites web pornographiques ... Rien qui ne donnerait envie d'en finir avec lui, et encore moins d'en finir après l'avoir torturé ... En ce qui me concerne, je me suis fait quelques ennemis, ces dernières années, mais pareil, je n'en voit aucun qui m'en voudrait suffisamment pour tuer deux personnes, puis moi ... Nous roulons quelques minutes, puis la voiture bifurque brutalement sur la droite pour rejoindre la descente vers un parking. L'homme sort son pda, et ouvre la porte. Crétin comme je suis, la tête à mes réflexions, je ne sais absolument pas où nous sommes arrivés, ni par où nous sommes passés ... Nous faisons quelques mètres de plus, et nous nous garons entre une camionnette bleue sombre et un mur. Les portes arrières de la camionnette s'ouvrent, et deux hommes en descendent. Vêtus comme mon chauffeur, costards noirs chics, ils on la mine aussi patibulaire que lui. Ils s'approchent de notre coffre, que mon laconique nouvel ami leur ouvre d'une pression sur un bouton à côté du volant. Ils attrapent la troisième passagère de la voiture, et l'un ferme le coffre. Ils retournent dans leur camionnette, dont ils referment les portes derrière eux. La voiture redémarre, et se dirige de nouveau vers la porte. La voix du conducteur se fait entendre. « Bon, un problème de réglé. Maintenant, que va-t-on bien pouvoir faire de vous ? ». Je crois que c'est une question rhétorique, et je n'ose pas lui dire qu'il ferait aussi bien de me laisser à la première bouche de métro venue.

- Je devrais vous éliminer, je crois que ça m'épargnerait bien des problèmes, poursuit-il.

- Euh, je ne suis pas sur que ce soit une excellente idée, je suis flic, il y a bien des gens qui vont s'acharner sur ce cas si je meurs. La disparition d'un flic passe rarement inaperçue.

- Mouais. Faites moi confiance pour que personne ne se doute que vous êtes mort. On vous condamnera à contumace pour double meurtre, et Air Nicaragua jurera vous avoir eu sur ses lignes pas plus tard qu'aujourd'hui avec une jolie brunette mal fagotée. Croyez moi, vous faire disparaitre ne serait pas un problème. Mais vous pourriez surement nous être plus utile vivant.

- Qui ça, nous ? Je questionne, mais j'ai comme l'impression qu'il n'a qu'envie de monologuer.

- Oui, vous nous serez plus utile vivant. Et puis après tout on bosse pour le même ministère.

- Hein ?

- Commandant Marc Dufour, Renseignements Généraux, se présente-t-il, un demi-sourire sur le visage.

J'entends presque le frein à main se dé-serrer dans mon esprit. Les RG. J'étais donc sous surveillance ? Je reste sans voix, et mon interlocuteur semble faire durer son petit effet.

- Oui, poursuit-il en me montrant son badge, les RG. Je vous emmène Place Bauvau.

La voiture prends effectivement la direction du huitième arrondissement, et nous passons la Seine par le pont Alexandre III, complètement noir de trafic à cette heure-là.


- Drumont, tu me passerais le gyro dans la boite à gant s'il te plait ?

J'acquièce, et j'ouvre la boite à gant qui ne contient rien d'autre que ce gyrophare, que je passe à Dufour. Il le connecte à l'allume cigare, puis le pose sur le toit de la voiture en passant son bras par la vitre. Il appuie ensuite sur un bouton dans le tableau de bord, et la sirène commencer à nous jouer sa complainte du policier.


samedi 26 janvier 2008

Partie 2

"Lieutenant Drumont ? Lieutenant ?"

Je tourne la tête sur ma gauche, d'où viens la voix. Je suis assis, la clope pendouillant au coin du mec, sur le canapé du salon. Je peine à réaliser ce que je viens de trouver. Les collègues de la criminelle tournent autour de moi, la police scientifique, aussi, relève des empreintes, ils ressemblent à des cosmonautes futuristes avec leur tenues stériles, inutiles depuis que la scène a été pollué par les agents arrivés les premiers sur les lieux. Je me rends compte au bout de la troisième clope grattée à un agent de quartier qui dit s'appeler Gerald que je n'avais pas fumé depuis six mois. Me voila revenu dans l'univers des toxicomanes. J'écrase machinalement la clope dans une boite de pizza à moitié vide.

"Lieutenant Drumont ? Lieutenant ?"

Je l'avais oublié, elle, une brunette à lunette maigrichonne dans son tailleur pantalon trop grand. Elle m'interpelle depuis probablement un petit bout de temps.

"Oui", je lui réponds. Sa voix est un peu nasillarde, et m'exaspère rien qu'à entendre prononcer mon propre nom. Techniquement, ça doit être ma supérieure hiérarchique, alors, je tente une vague soumission.

"Oui, commandant ?"dis-je, un poil plus mielleux. On sait jamais. Si jamais je suis muté à la criminelle, peut-être bien que cette fille sera ma chef ...

"Lieutenant, va falloir maintenant que je prenne votre déposition à chaud. Vous voulez bien me suivre à la crim', ou vous préférez faire ça ici ?"

Un vague sourire se dessine sur mon visage, et je m'imagine en train de la prendre sur le canapé, au milieu des collègues, puis je me ressaisis.

"On peut aller à votre bureau, ça ira, je préfère quitter les lieux. C'est pas mon premier macchab', mais c'est mon premier co-locataire mort. J'avoue que ça secoue un peu." Je saisi soudain que cette phrase va me valoir un énième séjour chez le dingologue. Quel con. Je me lève à sa suite, sort de l'appartement derrière elle, un regard vers la partie charnue de son anatomie. Je me dégoute un peu de mater cette gonzesse alors que je viens de retrouver deux morts dans mon propre appartement. Je laisse un peu vagabonder de nouveau mes pensées : après demain, tout devrait être nettoyé, mais je suis bon pour passer au moins deux ou trois jours à l'hôtel. Comme si j'avais financièrement besoin de ça ... Les galères n'arrivent jamais seules, et je peux commencer à économiser pour payer une nouvelle caution, je crois pas que le proprio me rendra celle de cet appartement-ci, vu ce qui vient de s'y passer.

"Drumont, vous voyez un inconvénient à ce que l'on prenne votre voiture ?"

"Euh, non, mais vous allez vouloir conduire, vu mon "état de choc" ?" S'il y a bien quelque chose que je sais faire, c'est mettre des guillemets et des majuscules à l'oral ... Derrière ses grosses lunettes, ses yeux expriment une profonde lassitude.

"Non, c'est bon."

La porte de l'ascenseur s'ouvre, et je monte derrière elle. Je tourne ma clé de parking dans la serrure électronique, et appuie sur le bouton qui indique le premier sous-sol. Je mate brièvement son derrière avant qu'elle ne se retourne. Décidément, son futal est informe. LE silence se fait un peu longuet, elle regarde le bout de ses chaussures, probablement qu'elle espère y trouver inscrit mon mode d'emploi, ou alors le sien. Elle a l'air un peu paumée, bizarre, les fliquettes, d'habitude, sont plutôt du modèle sûr de lui et air hautain, comme si elles avaient en permanence quelque chose à prouver. Je me rends soudain compte que je n'ai pas retenu son nom, juste son grade. Je lui demande.

"Commandant, je n'ai pas retenu votre nom, par contre".

Elle relève la tête vers moi. "Sarah Simoni. Commandant Sarah Simoni. »

J'essaye de continuer un peu à faire la conversation, une espèce d'inversion des rôles. Merde, c'est moi qui vient de subir un traumatisme, pas cette greluche mal-léchée. L'ascenseur s'ouvre sur le parking. Ma voiture est garée en face.

"C'est la noire là-bas", lui dis-je en désignant mon opel du doigt. Je me retourne vers elle. "Ça fait longtemps que vous êtes à la Crim' ? C'est ce que j'ai demandé à ma sortie d'école, quand j'ai quitté Fontainebleau, mais les places sont plutôt chères."

Elle me répond d'une voix presque atone, en fouillant dans son sac à main. "trois ans et demi." Je pointe le bippeur vers la voiture pour l'ouvrir. Laconique, la minette. Elle ne doit pas être plus vieille que moi, mais a surement eu de meilleurs résultats en école, moi, je n'ai brillé dans aucune matière, moyen partout, en tout. Quand je me tourne pour ouvrir la porte, un objet dans sa main droite reflète la lueur des néons. Je soupire. Elle fait feu quand je plonge derrière la caisse pourrie du voisin, une citroën qui a du connaitre les deux dernières guerres. Le silencieux transforme les bruits de tir en un soufflement un peu violent, comme le bruit que ça fait lorsque l'on souffle dans le goulot d'une bouteille. J'en compte cinq. Ce qui lui laisse au mieux sept balles pour me trouer, au pire, elle a plusieurs chargeurs. Dans tout les cas, je suis un homme mort. Je tente de regarder sur ma gauche, alors que je suis accroupi derrière la voiture, et je vois ses escarpins à talons plats qui se rapproche. Elle ne cherche visiblement pas à être discrète et marche d'un pas assuré... Le fantôme qu'elle semblait être s'est transformé en terminator. « Sortez de là !J'ai autre chose à faire que de jouer à cache-cache, et de toute façon, je vais vous buter » ! Sa voix a changé, aussi. Sûre d'elle, un ton plu bas, aussi, je pense. Je commence à faire le tour de la voiture, j'espère pouvoir m'enfuir à couvert derrière les bagnoles de cette rangée. Les néons clignotent un peu, comme pour me filer un coup de main quand je passe d'une voiture à l'autre. Je suis derrière une 307 break, qui me procure un bon couvert. Je l'entre-aperçois un peu plus loin, elle se dirige droit vers moi. Je veux changer de planque, mais quand je regarde derrière moi, il n'y a plus qu'un mur en béton légèrement effrité ... Ça doit être le moment qu'aurais choisi un type croyant pour annoner une prière. Soudain, une nouvelle lumière change l'ambiance du parking. C'est le gyrophare orange qui accompagne l'ouverture du volet roulant. Tiens, serais-je sauvé ? La chance aurait-elle tourné ? Je me dis qu'il ne faudrait peut-être pas que je crie victoire trop vite quand je la vois soudain devant moi. Elle est plutôt jolie, en fait, sans ses lunettes, qu'elle a du retirer en me coursant. Le visage un peu fin, des yeux légèrement en amande, probablement clairs, le nez droit. Ses lèvres sont charnues Bref, un beau brin de fille en fait. Je serais bien resté à la garder, mais c'est l'extrémité du silencieux qui emplit mon champ de vision qui fini par attirer toute mon attention. « C'est fini, Drumont, elle me dit, dommage, mauvais endroit, mauvais moment. » Une grande partie de l'histoire de ma courte vie.

lundi 21 janvier 2008

Partie 1

Le flic. J'en suis l'archétype ultime, et je m'y complais. Un psy aurait probablement dit que j'ai surement un truc à prouver, pour me complaire à ce point dans le personnage, jusqu'à aller visionner des films noir des années cinquante pour me donner les accents, les mimiques, les gimmicks à utiliser. Mais moi, j'en ai rien à fiche des avis d'un toubib qui ne savait rien de la réalité du terrain, un autre de ces fonctionnaires bureaucrates dont la seule ambition est de faire chier le monde le plus possible, avec le maigre pouvoir dont ils disposent. J'y fais souvent des passages, devant le psy. C'est la règle, maintenant. Tu sors ton calibre parce que tu sens qu'un truc va mal tourner, tu commets l'erreur de ne pas l'écrire dans ton rapport, tu te retrouve avec un entretien individuel chez un digne pandore de l'inspection générale des services, et si tu l'écris, tu as le droit à une visite chez le dingologue, soit-disant parce que tu canalises mal ton stress. Mais voila, dans la rue, parfois, il n'y a souvent qu'un seul moyen de dénouer une situation, et ce moyen, c'est de faire briller ton chrome devant le nez du délinquant qui a décidé qu'il va, au choix, te faire la peau, ou la faire à quelqu'un. Je pense à tout ça en montant dans ma bagnole achetée à crédit avec la maigre solde que me verse l'état, mon indemnité de fonctionnaire ministériel. Quatre ans d'études post-bac pour en arriver là, à gagner 1500 euros par mois pour courir le risque de me faie trouer la peau par n'importe quel trouduc en mal de sensation forte qui a décidé de se faire un flic pour rentabiliser sa pilule d'ecsta. La bagnole démarre au quart de tour. Faut reconnaitre tout de même que l'on a de bons mécanos dans la police, les gars du garage me l'ont réglée au poil, elle est bichonnée une fois par mois. Je réajuste ma cravate en jetant un œil dans le rétro avant de passer la première, et soupire un grand coup en lâchant l'embrayage. Le GPS m'informe que je n'ai pas choisi de destination. Il le sait mieux que moi, cet appareil doit lire le vide entre les deux oreilles qui me sert de pensée. J'avais décidé de prendre une grande bouffée de calme en roulant sans but, avant de rentrer dans le trois-pièce minable que je partage avec le glandu qui gagne trois fois mon salaire à pianoter sur un ordinateur son gros cul posé sur une chaise de bureau grand standing. Un glandu, ouais. Je roulais encore, et encore, frôlant la limite autorisée dans les petites artères du 13ème, seul moyen légal, hors circuit, que j'avais trouvé de prendre un peu de plaisir en conduisant. Je suis un peu calmé, une chanteuse pop anglaise à la voix aussi pâle que ces chansons sont sans intérêt crachouille sa haine des hommes à la radio. Je tourne à gauche rue de Tolbiac, je ne passe pas loin de l'avant d'un autobus, je lui fais une queue de poisson, je sors ma main par la fenêtre pour adresser au conducteur du bus un doigt d'honneur vindicatif. Je dépasse un peu la limite pour doubler par la voix pour bus un papy qui se traine dans une bmw dernier cri. La musique change, et c'est un vieux rockeur français qui devrait être mort, mais dont le sang a été remplacé par un mélange whisky-cocaïne qui se met à brailler dans mes enceintes. J'arrive en vue de mon immeuble, et je décide soudain de voir si le virage pour accéder au parking peut se négocier à plus de 50 kilomètres par heure. J'accélère un peu, je me rends compte de mon erreur, et je mets un grand coup de frein à main pour immobiliser la voiture, en imprimant à mon volant un grand quart de tour. Mon pare-choc s'arrête à quelques millimètre du volet roulant. Volet dont l'existence m'était totalement sorti de la tête quelques instants plus tôt. Je notais d'appeler la prochaine fois Romain pour qu'il me l'ouvre quand il verrait ma bagnole tourner au coin de la rue. Je gars la voiture à l'emplacement 68, qui nous est reservé à Romain et moi, mais ce gros parasite n'a pas de bagnole, parce que, je cite "Dans Paris ça sert à que-dalle." La voiture bippe, et clignote des phares quand j'actionne le bip juste avant de rentrer dans l'ascenseur. Il est tagué de partout, et la vitre qui a diligemment été remplacée la semaine dernière est de nouveau brisée, laissant à nu le dos de l'appareil. Ça ne rassure pas, quand on se rend compte que les murs de l'ascenseur sont moins épais qu'un papier à cigarette spécial cannabis. On parle de temps en temps de l'instinct de flic. Ce que j'en dis, c'est que je ressens ça plutôt comme une odeur. Une sale odeur de déjection, un truc immonde, que je sens dans mes narines. Normal, l'instinct de flic, après tout c'est flairer la merde. Et là, précisemment maintenant, ça pue. Ça pue grave. A tel point que je cherche par reflexe mon pétard dans son holster vide, pétard laissé au commissariat, normal. Je jette un œil autour de moi. Trois portes sur le palier. La mienne, celle de gauche est défoncée. Merde, je crachote entre mes dents. La porte baille, la serrure est un cauchemar pour serrurier. J'ai quand même une pensée pour Romain, espérant que cette larve eusse faite sa sortie annuelle lors de la visite. Le quartier est pourtant tranquille habituellement, depuis qu'un préfet un peu zélé a fait descendre le RAID dans la rue adjacente. Le RAID, pour une dizaine de racaille un peu énervées ... Ouais, encore un fonctionnaire ... Je m'approche de la porte, je guette le moindre bruit qui pourrait m'indiquer qu'il y a des visiteurs indésirables dans l'appartement. Visiblement, il n' a pas âme qui vive dans le coin. Je pousse la porte doucement. A première vue, je ne constate rien de particulier. Certes Beyrouth au milieu d'une des innombrables guerres israëlo-libanaise ressemble à une piaule d'étudiante anglaise à côté de notre salon, mais rien ne semble avoir bougé. J lance un regard dans la cuisine, m'arrête sur le tas de vaisselle un instant, les moisissures qui vivent là ont surement inventé la roue, c'est qu'elles ont eu du temps pour se développer depuis la dernière fos où quelqu'un a fait couler de l'eau du robinet de l'évier. Ma chambre, rien à signaler, la salle de bain, non plus. La piaule de Romain, par contre, un carnage. Du désordre habituel nous sommes passé à l'expression artistique d'un cubiste muni d'un lance grenade qui se serait mis en tête de faire la décoration d'intérieur. Les objets, ordinateur en tête, gisent partout, éparpillés en diverses morceaux improbables. Et sur le lit, m'attends une sacrée surprise. Là où je pensais trouver un Romain ligoté ou inconscient, je trouve une fille, qui fut blonde, et qui fut mignonne. Mais avec un trou dans la tête genre gros calibre à bout portant, elle est tout de suite moins éligible pour le concours de Miss France. Le sang coule encore de la blessure, fraiche, donc. Et merde. Je retourne vers la salle de bain, bien déterminer à rendre le repas de ce midi, qui commence à vouloir remonter par grands à-coup spasmodiques. Et dans la tête au dessus de la cuvette, je remarque un détail que je n'avais pas vu quelques minutes plus tôt. Notre rideau de douche n'a jamais eu de motifs rouges. Je l'ouvre du bout de doigts, et vois le corps sans vie de Romain, les membres bizarrement arrangés. Visiblement, à moins que l'on ne se soit acharné sur son cadavre, ses dernières heures n'ont pas du être une partie de plaisir. Monde de merde.

mercredi 16 janvier 2008

Introduction au blogue.

Bonjour à tous.

J'ai décidé de mettre en ligne sur ce blogue un projet de roman que je souhaite (pour une fois) terminer. L'intrigue est dans les grandes lignes inventée, les personnages jetés sur des feuilles de brouillon. Histoire de me motiver à continuer, je mettrai donc en ligne ici les grands pavés (peut-être des futures chapitres ? ) sans véritables autres corrections que le correcteur orthographique intégré de mon navigateur internet. Bon courage pour la lecture, et merci du temps que vous voudrez bien passer à me critiquer !